Le bon sens chrétien
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée » écrivait Descartes… « et c’est pour cela que les gens en ont si peu ! » ajoutent les railleurs. Alors, qui a raison ? Les gens ont-ils oui ou non du bon sens ?
Prenons un cas pratique : saint Pierre. Pierre est manifestement l’homme du bon sens. Quoi de plus sensée que cette réponse du pêcheur au charpentier qui veut obstinément continuer la pêche : « Nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ! » (Lc 5,5) ? Mais surtout, après la pêche miraculeuse, quoi de plus raisonnable que cette supplique de l’homme à Dieu : « éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ! » (Lc 5,8) ?
La logique est incontestablement du côté de Pierre : il n’y a rien de commun entre la sainteté de Dieu et la laideur du péché ; rien de commun entre la gloire divine et la misère humaine ; et au fond, rien de commun entre Dieu et l’homme. Sauf que… ces pensées sont celles des hommes et non celles de Dieu ! (Mc 8,33) La Bible nous apprend en effet que si Dieu est trois fois saint (Is 6,3), c’est en tant qu’il est rédempteur et sauveur. Dieu est saint… et médecin ! Et il est attiré par le pêcheur qu’il veut guérir. « J’ai vu la misère de mon peuple, dit Dieu, oui je connais ses angoisses et je suis descendu pour le délivrer ! » (Ex 3,7-8).
Trop de gens disent avec un bon sens païen ce qui est un non-sens chrétien : « je suis hors de Dieu, je suis allé trop loin, je suis irrécupérable. ». Faux ! répondons-nous. Nous annonçons bien plutôt un « Messie crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Co 1,23). Un messie qui descend pour éclaircir le ciel bas et lourd des logiques païennes qui pèsent comme un couvercle sur le cœur humain. Devenir pécheur d’hommes, c’est accepter, comme Isaïe, que Dieu brûle nos lèvres et notre intelligence et qu’il fasse mourir en nous le vieil homme.
Au fond, les railleurs ont raison à propos de Pierre : à ce stade de l’évangile, il n’a encore que peu le sens du Dieu d’Abraham, mais, comme nous, il a toute la suite de l’histoire pour progresser !
Alexis Julien-Laferrière, diacre