La grâce d’être chrétien

« Mon neveu est riche, riche comme moi, et catholique, comme tout le monde ! » déclare M. Pivert (L. de Funès) à son chauffeur Salomon dans un célèbre dialogue de Rabbi Jacob. S’il fût un temps où être catholique n’était pas si différent d’être citoyen français, notre époque vit un formidable découplage. Cette dissociation, pour dramatique qu’elle soit, permet de comprendre qu’être chrétien est avant tout une grâce, non le simple fait d’une culture. Aujourd’hui, être catholique, c’est précisément ne pas être comme tout le monde. Ce n’est pas que nous soyons une minorité au-dessus de la mêlée, mais il nous faut reconnaître que nous bénéficions d’une vie qui dépasse tout ce que les hommes savent produire. Cette vie c’est le Christ qui « a bien fait toutes choses » (Mc 7,37) et dont l’Esprit est à l’œuvre dans les sacrements. C’est le monde à l’endroit de la prière, de la charité fraternelle, de la joie et du pardon. C’est le baptême qui transcende, féconde et élève toutes les cultures. À la différence de Jésus et de Salomon, l’écrasante majorité d’entre nous n’est pas d’origine juive. Mais nous avons été associés au salut qui vient des Juifs (Jn 4,22). Pourquoi cette faveur ? Car Jésus est Dieu. Car Jésus est pour tout le monde. Le catholicisme est littéralement « universel » car Dieu en est l’auteur. Sans cela, l’Évangile n’est plus l’Évangile (cf. Jc 2,1-5). Le Christ, vrai Dieu et vrai homme, est tout entier l’ « image du Dieu invisible » (Col 1,15) ce qui signifie que l’entièreté de sa vie nous parle : ses paroles et ses gestes, mais aussi ses incursions en terre étrangère. Ce dimanche, après avoir quitté ces hauts-lieux du commerce mondial que sont Tyr et Sidon, Jésus se rend en Décapole. Là, il guérit un sourd-muet. Le voyage est bref mais lourd de sens : il préfigure l’annonce de l’Évangile à tous les peuples. Alors, si l’été fut le temps d’une baisse de régime spirituel, une sorte d’hiver pour votre âme, ou si votre élan missionnaire est en berne, que la rentrée soit l’occasion d’entendre à nouveau « “Effata !”, c’est-à-dire : “Ouvre-toi !” » (Mc 7,34)

Alexis Julien-Laferrière, diacre